Regragui chez Chiringuito: la synthèse!

Inviter Walid Regragui, le sélectionneur de l’équipe du Maroc, sur le plateau survolté d’El Chiringuito de Jugones n’est pas un acte anodin.
C’est faire entrer un stratège calme et réfléchi dans une arène où le bruit, la passion et les « exclusivas » règnent en maîtres. Face à Josep Pedrerol et ses chroniqueurs, chaque mot est pesé, chaque silence est interprété.
Le passage de Regragui était donc bien plus qu’une simple interview ; c’était un exercice de communication de haut vol et une occasion rare de décrypter la pensée d’un des entraîneurs les plus influents du moment.
Loin des polémiques habituelles, Regragui a profité de cette tribune pour livrer sa vision du football, défendre ses joueurs et positionner le Maroc comme une puissance avec laquelle il faut désormais compter. Analyse des messages clés d’une intervention maîtrisée.
La Défense du « Football Efficace » et la Philosophie de la « Grinta »
Interrogé d’entrée sur le style de jeu de son équipe, souvent comparé à celui de l’Atlético de Simeone, Regragui n’a pas esquivé.
Il a développé sa vision pragmatique du football, un message puissant dans un pays qui sacralise souvent la possession de balle.
« Gagner n’est pas une option. C’est la seule option »
Regragui a insisté sur un point : l’objectif ultime est la victoire, peu importe la manière. « Vous, en Espagne, vous aimez parler de possession. Moi, j’aime parler de transitions, d’efficacité et de solidité », a-t-il expliqué.
Il a rappelé que lors de la Coupe du Monde 2022, le Maroc avait éliminé l’Espagne en ayant le ballon moins de 30% du temps.
Pour lui, la « grinta », la discipline tactique et la force mentale sont des qualités aussi nobles que le « tiki-taka ». Il ne s’agit pas de jouer « mal », mais de jouer « juste » pour gagner.
La « Niyya » (l’Intention) comme Moteur du Succès
Face à des chroniqueurs parfois sceptiques, Regragui a introduit un concept culturel fort : la « Niyya ».
Il a expliqué que la réussite de son groupe ne reposait pas seulement sur la tactique, mais sur une intention collective pure, une foi inébranlable dans le projet commun. « Quand 35 millions de Marocains, plus toute la diaspora, poussent derrière toi avec la bonne intention, tu peux déplacer des montagnes », a-t-il martelé.
C’était une manière intelligente de sortir du débat purement technico-tactique pour donner une dimension humaine et spirituelle à son succès.
Le Dossier Brahim Diaz : Entre la Protection et l’Exigence
Le cas de Brahim Diaz, joueur du Real Madrid, était évidemment au cœur des débats.
Regragui a joué une partition parfaite, mêlant protection du joueur et message clair envoyé à son club et à ses observateurs.
Un Message de Confiance et de Responsabilité
Regragui a coupé court à toute polémique sur la situation de Brahim au Real Madrid. « Brahim est un joueur de classe mondiale.
S’il ne joue pas, c’est un problème pour le Real Madrid, pas pour le Maroc », a-t-il affirmé. Il a ainsi inversé la pression, tout en précisant : « Un joueur de ce niveau doit se battre pour sa place, où qu’il soit. C’est la loi du très haut niveau ».
Il a donc rassuré le joueur sur son importance pour la sélection, tout en le plaçant face à ses responsabilités de compétiteur.
« Le Maroc d’abord, le Club ensuite »
De manière plus subtile, il a rappelé l’importance pour Brahim d’être performant en vue des échéances nationales.
« La CAN et la Coupe du Monde sont des objectifs majeurs. J’ai besoin de mes meilleurs joueurs au meilleur de leur forme », a-t-il déclaré.
C’était une façon élégante de dire que le statut en club est directement lié aux responsabilités en sélection, et que le bonheur et le rythme d’un joueur sont essentiels pour l’équipe nationale.
Son Regard sur la Liga et le Football Espagnol
En tant que fin connaisseur du football espagnol, Regragui a livré une analyse pertinente qui a surpris par sa justesse.
Respect pour les Entraîneurs, Critique d’un Certain Confort
Il a exprimé son immense respect pour des techniciens comme Ancelotti, louant la qualité tactique de la Liga.
Cependant, il a glissé une critique constructive sur la formation des jeunes. « En Afrique, un jeune joueur joue pour changer sa vie et celle de sa famille. Parfois, en Europe, il y a un certain confort qui peut éteindre un peu cette flamme, cette ‘faim' », a-t-il analysé.
C’était sa façon de valoriser la force mentale et la résilience de ses propres joueurs.
Regragui s’en est très bien tiré
Le passage de Walid Regragui sur le plateau d’El Chiringuito restera comme un exemple de bonne communication pour nos entraineurs nationaux.
Sans hausser le ton, il a réussi à imposer sa vision dans un environnement pourtant peu propice à la nuance.
Il a défendu sa philosophie de jeu, protégé son joueur star tout en le mettant face à ses responsabilités, et a positionné le football marocain non pas comme un outsider chanceux, mais comme un acteur majeur, intelligent et ambitieux du football mondial.
Il n’est pas seulement venu parler de football ; il est venu commander le respect. Et sur ce point, comme souvent sur le terrain, il a largement gagné son match.
Merci pour le super article!